Parallèle : Le ciel est à tout le monde/Le démon de la colline aux loups

A nouveau une chronique Parallèle (la première ici) entre deux littératures : parfois, les romans se répondent, résonnent entre eux, par ce qu'ils abordent et éveillent en vous. Leur point commun : des instants de grâce mêlés au pire du pire.

Le ciel est à tout le monde de Fanny Chartres, Ecole des loisirs

Il n'est pas nécessaire de lire la 4ème de couverture. Déjà, le titre et l'invitation de cette couverture donnent envie de l'ouvrir.

Yaël, le grand frère et Ethan, le plus jeune. La vie ne les a pas gâtés avec leurs parents défaillants, qui les abandonnent. Évidemment, les services sociaux finissent par être alertés. Il seront conduits en foyer, séparés. Entre eux, il y a un langage, des rituels, des rêves : des soupapes de survie. Et c'est beau à en couper le souffle dans toute cette souffrance et cette noirceur. 

Fanny Chartres emploie aussi un principe de narration très novateur : à travers des séries réelles, qu'elle transforme, la sordidité du quotidien est sublimée par Ethan, qui a besoin de ses héros pour se repérer.

On y parle d'oiseaux aussi dans ce roman, symbole d'évasion, mais aussi d'un livre en particulier, le seul qu'Ethan n'ait jamais eu entre les mains et qu'il connait par cœur. Cette histoire l'aide aussi. Une compagne de foyer, Medeea, d'une maturité incroyable et d'une fidélité sans faille, sait atteindre ce jeune garçon hyper-sensible. L'enfance écorchée à l'état brut.

Il y a aussi les familles d'accueil, les mauvaises et les bonnes, et aussi l'adoption d'un petit animal, dont la symbolique piquante n'échappe pas.

Pourtant, l'autrice arrive à semer son lecteur dans une fin qui le cueille littéralement. 

J'ai lu ce roman en m'apercevant à plusieurs reprises que je ne respirais plus. Tant il m'a émue au plus profond de mon cœur. Il s'en dégage une alchimie toute chartresque, faite d'une sensibilité rare et d'une acuité sur le fait social remarquable.

Je n'en dirais pas plus, j'en ai déjà trop dit.


Le démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie, éditions Le Tripode

Premier roman,  écrit d'un seul souffle, sans presque pas de ponctuation, comme pour souligner l'urgence de ce récit. Et c'est le cas. 

Un homme en prison remonte le fil de son existence. Il écrit. Son parcours. Fait de violences extrêmes, de dérives, de lumières, de défaites, d'espoirs. La condition humaine est là montrée dans toute sa dureté et sa beauté. 

Un questionnement métaphysique émerge aussi, d'une acuité rare dans sa simplicité d'analyse.

Les scènes judiciaires révèlent aussi le jugement des hommes dans ses limites.  L'auteur est journaliste spécialisé dans la chronique judiciaire et le fait divers. Il connait son sujet, mais il y a bien autre chose : une prise de hauteur sur ce théâtre et ses failles.

L'écriture est d'exception dans ce roman : elle traduit l'errance de cet être qui ne cherche pas d'excuses mais veut comprendre. 

C'est dur souvent, réaliste jusqu'aux images et les odeurs qui vous assaillent, et pénétrant. C'est d'une humanité absolue. 

Une véritable révélation pour moi sur le déterminisme social, disséqué ici d'une façon chirurgicale. 

Un roman ahurissant, dont la couverture signée Clara Audureau, traduit fort bien à la fois la solitude et la plénitude.


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