passionnément...à ma folie

Après 16 nuances de première fois et D'un trait de fusain, je ne lâche pas la thématique de l'amour, il faut croire !

Ce roman, dont le titre reprend la comptine célèbre de l'effeuillage de la marguerite, en en changeant la ponctuation et une phrase, aborde avec beaucoup de justesse la manipulation dans l'amour, et plus précisément l'emprise amoureuse et globale de quelqu'un sur quelqu'un d'autre.

Gwén (Gwénaëlle), 16 ans, jeune fille littéraire, plutôt discrète, a le malheur de tomber amoureuse du beau gosse du lycée, William, beau parleur, sûr de lui, et que toutes les filles rêvent de pouvoir aborder.

Sauf que Gwen, elle ne sait pas. Elle est encore toute étonnée qu'il se soit intéressée à elle, et ne perçoit pas d'emblée les gestes, les attitudes, les paroles de ce jeune homme bien sous tout rapport.

Deux ans d'une relation destructrice.

Le lecteur fait la connaissance de la jeune fille dans une clinique où elle est en soins suite à une TS (tentative de suicide), conséquence de la rupture amoureuse par un simple coup de fil ! Marionnette désarticulée.

Elle remonte alors le fil de cette relation, qu'elle décide de consigner dans un carnet, à défaut d'arriver à en parler. Beaucoup de culpabilité, beaucoup de déni sur cet amour désormais mort, beaucoup de colère, beaucoup d'incompréhension.

Le lecteur assiste alors à cet engrenage dans lequel elle tombe, de la part d'un individu manipulateur, qui l'éloigne de sa famille, la coupe de ses amis, la juge sans cesse, la dénigre, la rabaisse. L'amour absolu qu'elle lui donne l'empêche alors d'être lucide sur ce qui est en train de se jouer. 

Peu à peu, l'écriture et la parole qu'elle accepte de livrer au psychologue de la clinique vont lui permettre d'essayer de comprendre ce piège dans lequel elle est tombée et d'accepter qu'elle n'est pas responsable.

Gwladys Constant décortique avec justesse et lucidité ces engrenages dévastateurs dans une relation amoureuse mais comme elle le dit en postface, ils sont aussi à l'oeuvre dans le monde de l'entreprise, dans les familles, ou dans les sectes.

Le parallèle pertinent opéré avec des textes de la littérature ou à des philosophes (Gwen est en littéraire et est une lectrice compulsive) apporte à ce roman un ancrage subtil dans des destins fictionnels toujours d'actualité et ô combien instructifs.

Une fin pleine d'espoir, une reconstruction possible, des cicatrices apparemment invisibles, des paroles échangées, montrent à quel point se relever de la manipulation est comme une deuxième naissance. L'angoisse latente est de ne pas y tomber à nouveau et d'apprendre surtout à se faire confiance.

Un roman d'une très grande force, très bien construit, très bien mené à hauteur d'adolescentes et d'adolescents, victimes de comportements qui les dépassent.

"On vit dans un monde où certains humains voient les autres comme de la terre glaise, à pétrir pour donner forme à des pions. C'est un jeu. Les figurines ignorent les règles de la partie dans laquelle elles sont lancées, déplacées de case en case par des mains habiles.On vit dans un monde théâtral où masques et costumes dissimulent les intentions véritables, où les mots, les belles paroles, servent à cacher la pensée et ce qu'on a sur le cœur. Et dans ce vaste jeu de société grandeur réelle, on s'inscrit soit du côté de ceux qui font les règles, soit du côté de ceux qui les subissent"...(p. 168).
passionnément...à ma folie
Gwladys Constant
Le rouergue
doado

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