L'oeuf
Za, du blog Le cabas de Za, a participé tout récemment au concours des 3 ans de Méli-Mélo de livres.
Et elle aime par-dessus tout les "alboums", comme elle dit !
Mais pas n'importe lesquels.
Ceux qui ont de la matière, ceux qui ont le petit truc en plus.
Et franchement, elle en parle drôlement bien !
Et franchement, elle en parle drôlement bien !
J'ai donc pensé lui faire plaisir en lui envoyant un des derniers albums des éditions Actes Sud junior.
Le colis à peine déballé, Za me convie à partager cet album autour d'une discussion, que j'ai tout de suite accepté.
Vous pensez bien ! Un méli-mélo dans un cabas, il fallait sauter sur l'occasion !
Za : La couverture pose d’emblée une histoire, ou plutôt
induit le lecteur vers l’histoire d’un couple d’oiseaux amoureux qui va avoir
un œuf, comme on va avoir un bébé.
Pépita : Je trouve la première de couverture
et l'histoire que cet album raconte pleines d'infinie tendresse. Est-ce aussi
ton ressenti ? Tu peux nous en dévoiler les éléments ?
Za : Il y a en effet beaucoup de délicatesse dans cet
album. Les deux personnages se couvrent d’attentions tendres, comme s’ils ne
couvaient pas seulement l’œuf mais se couvaient l’un l’autre. Lorsque l’œuf
parait, leur vie quotidienne ne tourne plus qu’autour de lui, il est le centre.
Pépita : Comment as-tu trouvé les
illustrations sous forme de collages, en particulier les
attitudes des deux oiseaux que je trouve sublimes dans leur grâce ! ?
Za : J’ai beaucoup aimé le travail d’Anna Sommer, une
virtuose du papier découpé. Il y a dans cet album en particulier un sentiment
de fragilité permanent, d’abord dans l’idée de l’œuf, objet fragile. Et puis il
y a aussi parfois de légères transparences dans le papier. Les têtes d’oiseaux,
directement collées sur des corps humains donnent une impression d’étrangeté
qui court tout au long de l’album. Les expressions des « visages »
tiennent à si peu de choses si on y regarde de près : des larmes, des
reflets dans l’œil, une légère ouverture du bec et tout est dit, c’est du grand
art.
Pépita : Les illustrations ont été
réalisées à quatre mains (par Anna Sommer et Noyau). En arrière-plan, Noyau a
placé des petits tableaux avec des petites saynètes. As-tu réussi à voir ce
qu'ils voulaient dire ?
Za : Je les ai tout de suite repérés et j’y suis retournée
plusieurs fois depuis. Ce qui est singulier, c’est déjà ce travail à quatre mains
entre les deux illustrateurs : l’une au premier plan avec les papiers
découpés, l’autre en filigrane avec les tableaux peints. On y découvre
l’histoire d’un couple humain traité comme des oiseaux. Alors qu’au premier
plan, un couple d’oiseaux humanisé est vu dans un environnement humain, dans
ces tableaux, un couple humain vit sur
une branche, vole – c’est d’ailleurs la femme qui apprend à l’homme à voler.
Ils s’installent dans un nichoir qui va être détruit par l’intervention d’un
bûcheron abattant l’arbre qui leur sert de refuge. L’anthropomorphisme est un
ressort très courant en littérature de jeunesse, l’inverse l’est beaucoup moins
et c’est ce qui fait qu’au premier abord, cette histoire parallèle est
franchement étrange. D’autant que lorsque l’histoire principale côtoie le
milieu médical, les personnages de second plan deviennent sont vus comme des
objets de planches anatomiques.
Pépita : Personnellement, j’ai eu
beaucoup de mal à saisir le sens de ces saynètes et je te remercie de ton
analyse qui éclaire ma lanterne. A vrai dire, j’ai été happée par cette
histoire, par ce qui se jouait là, dans ce couple d’oiseaux. Cette tendresse, cette
délicatesse entre eux comme celle qu'ils témoignent tous deux vis-à-vis de l’œuf.
Cela m’a presque gênée ces tableaux, ça m’a brouillé le message en
quelque sorte. Du coup, je les ai pratiquement occultés ou plutôt, je n’ai pas vraiment
cherché à comprendre leur sens. Ils ajoutent une réelle complexité à la
compréhension de cet album. En plus, c’est tellement petit et pas très beau
esthétiquement parlant, du moins est-ce mon avis.
Za : C’est amusant parce qu’à première lecture, ces petits
tableaux m’ont totalement parasitée. J’ai lâché l’histoire principale pour les
suivre, sans vraiment les comprendre. Ils ont un côté brut, cru.
Pépita : Je vois pour ma part dans la
fin deux interprétations possibles : est-ce aussi ton cas ? (mon cœur balance
pour l'une d'elles tout de même...).
Za : Je n’ai pas un instant interprété l’attente autour de
l’œuf comme une histoire traitant de la grossesse. Même si on ne voit pas
l’oisillon, il est là, comme un bébé déjà venu au monde, puisqu’il est
différent de sa mère, corporellement humaine. D’ailleurs, la mère le confie au
père pour aller au cinéma avec ses amies. Il est un enfant pour lequel on
s’inquiète, dont on prend soin pour qu’il parte un jour – et non pas jusqu’à ce
qu’il parte. Les soins et l’attention qu’on lui apporte ne sont là que dans ce
but final, son départ du nid. Ce qui est déroutant dans L’œuf, c’est qu’à aucun moment, on ne voit l’oisillon. Une fois
envolé – disparu plutôt, il se fond anonymement dans la foule des autres
oisillons. Rien ne le distingue d’eux, comme s’il n’avait jamais appartenu
vraiment à ses parents.
Alors, ton cœur balançait-il aussi pour cette
interprétation ?
Pépita : Non, du coup, cela m’en fait
une troisième !
A ma première lecture, j’y ai
vu le deuil, la perte d’un enfant, même si elle peut être symbolique aussi. Puis, non, j’ai recommencé ma lecture et là,
j’y ai vu l’attente d’un enfant et son envol dans la vie. Ce pour quoi sont
faits les enfants et les parents. J’ai pensé à un moment donné à l’adoption et
puis non. Je préfère la deuxième ; mais j’aime beaucoup la tienne !
Et le fait qu’on ne voit pas l’oisillon ne m’a pas dérangée. C’est de l’ordre
de la métaphore cette histoire. Ce que je retiens par-dessus tout, c’est la
force de l’amour qui émane de ces pages.
Za : A aucun moment je n’ai pensé que l’oisillon pouvait
être mort. Mais le fait qu’on ne le voit jamais porte en effet à toutes les
interprétations. Les interprétations adultes, en tout cas.
Pépita : Toi qui côtoie des enfants de
par ton métier, penses-tu que cet album soit accessible pour aborder les
sentiments liés à l'attente d'un enfant ?
Z : Je ne crois pas que je l’utiliserais dans ce but,
d’autant que, comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas ce que je vois dans ce
livre. Et puis je n’aborde jamais les albums – ou romans – dans l’idée
d’aborder tel ou tel thème. Mais c’est un autre débat.
En revanche, je me suis demandé comment les enfants
pourraient le recevoir. Qu’en penses-tu ?
Pépita : Je me la suis posée aussi cette question et en fait, c’est le sens de ma
question !
Il n’est pas si évident à comprendre cet album. Mais je me dis qu’on peut
faire confiance aux enfants, ils voient souvent des choses que nous ne voyons
pas, et ils prennent ce dont ils ont besoin à ce moment de leur lecture. Un
album aussi qui peut être sujet à des échanges intéressants avec eux.
Pépita : Connais-tu ces illustrateurs ? Pour ma part, absolument pas.
Za : Ce
que j’ai vu de leurs travaux respectifs ne semble pas habituellement tourné
vers la jeunesse. Ils ont des univers très forts et je trouve que ce qu’ils
nous offrent ici est vraiment passionnant. J’aime énormément le charme un peu
suranné qui se dégage des illustrations d’Anna Sommer, notamment par les
imprimés des papiers peints et des vêtements. Les prénoms des personnages –
Robert et Colette - nous renvoient aussi à une autre époque.
Pépita : Ton mot de la fin ?
Za : La richesse de ce livre, c’est qu’il est à la fois un
album pour enfant et un album pour adulte. Ce que tout bon album devrait être.
Chacun trouvera, j’espère, son compte dans cette histoire.
Pépita : Un album déroutant mais
passionnant pour reprendre ton terme plus haut. Il fait beaucoup réfléchir et
il renvoie à beaucoup de questionnements. Il est aussi très beau (mis à part
les saynètes dans les tableaux, désolée, je n’ai pas accroché !) et je ne
me suis pas trompée, je savais qu’il t’interpellerait. Il correspond bien à la
ligne éditoriale du Cabas de Za, ton blog !
Pour aller plus loin, d'autres se sont aussi questionnés au sujet de cet album :
-La soupe de l'Espace (billet qui a éveillé ma curiosité)
Pour aller plus loin, d'autres se sont aussi questionnés au sujet de cet album :
-La soupe de l'Espace (billet qui a éveillé ma curiosité)
Et un album qui a une résonance toute particulière pour moi puisque mon aîné fête ses 18 ans aujourd'hui...
Envol hors du nid...plus accentué encore...:)
Il compte (36/60) pour le challenge "Je lis aussi des albums" chez Hérisson
Envol hors du nid...plus accentué encore...:)
Il compte (36/60) pour le challenge "Je lis aussi des albums" chez Hérisson
L'oeuf
Anna Sommer et Noyau
Actes sud BD
Quel article, mazette !
RépondreSupprimer;)