La vie est belle
"La vie est belle" : pourtant, on ne se dit pas cela d'emblée en lisant le parcours de Lewis Delacroix et de sa famille. Jugez plutôt : son père vient de se donner la mort. Cadre chez Violet Télécom, son statut s'est peu à peu dégradé, mis au placard, harcelé, forcé à la démission et il n'a pas supporté. Lewis non plus. Fils unique, il regrette sa vie d'avant, où tout allait mieux, même s'il ne voyait pas souvent son père. Au moins, durant les vacances, la famille passait de bons moments de complicité et son père lui avait promis d'être plus présent. Et puis, c'est arrivé. Des signes avant-coureurs les ont pourtant alerté, lui et sa maman. Mais trop tard. Alors, sa souffrance trop lourde à porter, sa maman qui tente de refaire sa vie, ce qu'il ressent comme une trahison, Lewis va se mettre en tête de venger son père. Le coupable, il sait qui c'est : le patron de l'agence. Et pour ça, il a un plan diabolique : s'approcher de sa fille Julia pour entrer dans l'intimité de cette famille et faire ce qu'il a à faire.
Sauf que...
Je n'en dirais pas plus.
Ce roman est à la limite du thriller social et psychologique : très bien construit, avec des allers-retours sur le passé et le présent, mais sans que cela gêne en quoi que ce soit la lecture, il décrit avec une minutie presque chirurgicale ce qui se passe dans la tête de ce gamin, désorienté, perdu, exclusif, révolté. L'aide se son psy, pourtant salutaire, il le reconnait, n'y change rien : Lewis est incapable de surmonter ce traumatisme, il se crispe sur l'image de ce père trop idéalisé. Sa maman, qui refait sa vie, tente maladroitement de l'atteindre sans y parvenir.
Christophe Léon livre là un roman fort, douloureux, sur le deuil et son acceptation, dans des circonstances difficiles. Il nous parle aussi d'un fait de société : les conséquences du harcèlement au travail pour un individu et son entourage. La force de la manipulation quand on a l'argent, les bonnes relations et le pouvoir. Les doutes que ces éléments peuvent introduire. Lewis n'est plus capable de voir dans la vie ce qu'elle a à offrir de beau même dans sa noirceur. Du moins est-ce ainsi que je l'ai vu. Comme souvent dans les romans de cet auteur, la fin n'est pas totalement achevée. Il reste au lecteur une large part d'interprétation. Cela pourrait en agacer certains. J'avoue que là, j'aurai bien aimé avoir une fin fermée, histoire de ne pas laisser ce jeune héros au-dessus du vide qui est en train de l'engloutir. Du coup, on se sent aussi désarmé que lui. Et c'est assez terrifiant.
Un roman qui ne laisse pas indifférent, sur les mécanismes psychologiques de la haine, sur l'amour intransigeant d'un fils à son père, et qui sort aujourd'hui même à la Joie de Lire dans la collection Encrage.
Retrouvez Christophe Léon dans une interview que j'ai réalisée là
La vie est belle
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