Histoires de chambres

Dans l'intimité de la chambre d'enfant, tout un imaginaire se déploie...


Un album bien singulier que voici...

Un jeune garçon décide d'entrer dans la chambre du lion. Il n'est pas là. Croyant l'entendre arriver, il se cache. Mais c'est en fait un autre petit garçon qui arrive à son tour. Puis une petite fille. Puis un chien, des oiseaux, et enfin le lion....chacun se cache à l'arrivée du visiteur suivant, en utilisant les éléments du décor de la chambre qui ne sont que des lignes et des traits mais qui sont désignés dans le texte par ce qu'ils sont vraiment : un lustre, un miroir, des rideaux,...

Une approche apparemment statique, mais il n'en est rien : dans l'immobilité de la cachette, on perçoit le mouvement quand les éléments de la page suivante s'ajoutent à la précédente.

Toute la prouesse de cet album tient aussi dans cet imaginaire de la chambre, comme si la peur en déformait les contours. La curiosité est alors assortie de la pleine conscience de la possibilité du repli grâce à la cachette : ne plus être vu pour mieux ressentir ce qui se passe. C'est remarquablement bien fait et ça fonctionne. Un aspect répétitif qui n'enlève aucune surprise puisqu'à chaque tourne de page, le lecteur se demande ce qui va bien pouvoir se passer -paroxysme atteint quand le lion arrive dans toute sa grandeur et détermination dans cette page qu'il remplit de toute sa stature - et cette question : comment cela va-t-il se terminer ? Par quelle échappatoire  ? Même si la dernière image ne donne pas la réponse complète, la tension retombe et c'est bien là l'essentiel.
La chambre doit rester l'ultime rempart contre les peurs.

La présentation de cet album assez "vintage" (pour employer un mot à la mode) donne à voir un album qui fait penser à ceux du début du XXème siècle. Papier crème, dessins comme des tampons, lignes bien délimitées, coloris mats.

Un album remarquable qui vient de remporter une mention spéciale catégorie fiction à la foire de Bologne 2015 (Bologne Ragazzi Awards).






"Des fois, ma chambre est une punition".


Un enfant proteste, trépigne, fait un caprice : il veut pénétrer dans la chambre de ses parents, que ces derniers lui interdisent pour protéger leur intimité et le renvoient donc dans sa propre chambre. Entre ces quatre murs, l'enfant s'ennuie. 

Puis, peu à peu, l'imaginaire prend le dessus et ce lieu devient le théâtre de toutes ses inventions : aventures, batailles, lectures d'histoires,...et projection vers l'avenir. Elle devient un lieu de tous les possibles, sans murs, sans entraves, un lieu où se ressourcer, où se libérer, où grandir pour mieux affronter le monde. L'enfant est incontestablement le maître du lieu en reportant sur ses jouets l'autorité des adultes et cela lui permet de transcender alors la réalité de sa situation d'enfant.

La singularité de cet album se situe aussi et surtout dans la mise en scène des illustrations : plusieurs tableaux sont représentés sur chaque double page, des tableaux foisonnants, comme autant de boîtes (souvent figurées d'ailleurs, comme sur la couverture) soulignant l'inventivité extraordinaire des jeux d'enfants. Comme si l'imagination prenait corps à travers une multiplicité d'autres chambres. Dans ce lieu intimiste, le lecteur devient témoin du foisonnement sans limites physiques et corporelles de l'imaginaire. Un affranchissement salutaire pour l'enfant, lui permettant alors de dépasser sa frustration du départ et de trouver l'apaisement.


"Parce qu'au fond, dans mon Moi secret à moi, je sais bien que ma chambre n'est pas une punition. C'est là que je peux inventer des chambres d'aventure et de rêve. Pour m'échapper Moi tout seul, à cheval, à travers les murs. Bien sûr, je sais qu'un jour j'en sortirai, je quitterai ma chambre d'enfant..."


Un album à l'approche résolument moderne et très séduisante.


34 et 35/60 Challenge je lis aussi des albums 2015

La chambre du lion
Adrien Parlange
Albin Michel jeunesse

Moi à travers les murs
Annie Agopian et Audrey Calleja
Le Rouergue

Commentaires

  1. Aaaaaah La Chambre du lion!!
    J'ai adoré cet album et j'ai réussi à le faire aimer à mes enfants de 4 et 6 ans qui semblaient pourtant réfractaires au graphisme sec et pas assez figuratif à leur goût (de prime abord en tout cas). Quand ils ont comprend la partie ludique de l'album, ils sont tout de suite entrer dedans. Car en plus de tout ce que tu dis (si bien) de cet album, il y a des histoires dans l'histoire à suivre. Chaque personnage doit être suivi à la loupe page après page et toute la succession de petites histoires s'insère dans la grande.
    Merci encore et toujours pour ce blog Dame Pepita!

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